Le portrait de la marquise
(extraits de l'ouvrage de Henry JOUIN : "La marquise de PLESSIS-BELLIERE née Suzanne de BRUC (1605-1705); son portrait peint en Artémise" conservée à la Bibliothèque Nationale)
La marquise de PLESSIS-BELLIERE née Suzanne de BRUC, appartient à cette élite brillante qui se distingue au lendemain de la Fronde par l'esprit , le tact, les moeurs polies, le faste opulent ou sévère. L'atmosphère tempérée qui règne sur Paris et la cour durant les dernières années du règne de Mazarin devenu le maître des factions, le pacificateur habile d'un grand état, présagent le règne de Louis XIV.
Henri II de LORRAINE 5e Duc de GUISE dont TALLEMANT a dit "Il a de l'esprit, de la générosité, du coeur; c'est dommage qu'il soit fou", rêve pour la seconde fois de monter sur le trône de Naples.
MAZARIN lui donne une flotte. Il part de Toulon, aborde à Castellamare, au pied du Vésuve, et s'empare de cette ville. Succès illusoire et de brève durée; chassé du territoire napolitain, Guise revient à la cour occuper la charge de grand chambellan qui lui permettra de parader à l'aise et non sans grâce aux courses de bagues et dans les carroussels en l'honneur de Louis XIV.
L'une des premières victimes de l'équipée militaire du duc de Guise sur les plages de Castellamare avait été le général Jacques de ROUGE, marquis du PLESSIS-BELLIERE.
Sa veuve, Suzanne de BRUC, habite son hôtel de Charenton quand elle n'est pas à Saint Mandé, à Vaux le Vicomte ou dans l'hôtel de la rue Croix des petits Champs à Paris en confidence avec FOUQUET
N'en doutons pas FOUQUET vise haut. Pour atteindre son but, il veille à tout. Il a ses amis, ses serviteurs, ses affidés, ses confidents, LAFORET, le domestique dévoué, GOURVILLE le secrétaire avisé, l'homme de ressources, Mlle de TRECESSON à la cour de Savoie, Mme du PLESSIS-BELLIERE à Paris, apportent à des degrés différents l'utile concours de leurs découvertes au Surintendant. Mlle de TRECESSON, nièce de Mme du PLESSIS-BELLIERE, adresse à sa tante des dépêches chiffrées. FOUQUET a des intelligences près des ministres, près de la Reine-mère, près du Roi. Mais à la distance où nous sommes des évènements, Mme du PLESSIS-BELLIEREe apparaît comme la plus active des conseillères du Surintendant
Claude NIVELON, disciple de LE BRUN peintre de FOUQUET raconte que LE BRUN fut invité par Mme du PLESSIS-BELLIERE à doter sa galerie de divers tableaux, à faire son portrait et en fin de compte, à décorer les murs de sa demeure. Ses travaux furent exécutés entre 1654 et 1660...Le cabinet de Mme du PLESSIS-BELLIERE renfermait vers 1658 un tableau de LE BRUN qui décida de la fortune du peintre "Le Christ au jardin des oliviers" ou "la prière au Jardin" ... dans l'oratoire du château de Charenton. Il est entièrement décoré par LE BRUN. Les sujets traités sur les parois remplissent trois zones horizontales. La partie supérieure comprend un Christ à genoux dans le désert, St Joseph en méditation, Sainte Anne en prières, le repentir de Saint Pierre, Sainte Marie-Madeleine dans le désert. Dans la zone intermédiaire, l'artiste achève de peindre Saint-Paul, Saint Antoine, Saint Jérôme, Sainte Marie l'Egyptienne ...
Le temps les a dispersées, sinon détruites sauf le portrait de Mme du PLESSIS-BELLIERE.
Elle porte le costume de la reine d'Halicarnasse, Artemise II veuve de Mausole, à jamais célèbre par le culte dont elle entoura la mémoire de son mari. La marquise, au lendemain de la mort tragique du général sur le rivage de Castellamare voulut que le peintre fit allusion à son veuvage et LE BRUN l'a représentée assise, les yeux en larmes, les mains croisées sur une urne d'or délicatement ciselée, telle que les anciens les voulaient choisir pour enfermer les cendres de leurs morts. L'abattement de cette jeune veuve impose. Artémise tient le regard dirigé vers le ciel. Elle est vêtue d'une robe bleue que recouvre une sorte de tunique de couleur orange doublée de vert. Sur ces tempes, un diadème orné de perles et de brillants. Sa chevelure blonde, dénouée, se répand sur ses épaules, sur ses mains et sur l'urne funéraire qui lui sert d'appui. Les bras et le cou sont nus; les pieds chaussés de sandales. L'attitude abandonnée du personnage et l'expression de ses traits trahissent une profonde douleur. Sur les dalles, une couronne de lauriers. Au fond, l'entrée d'une gallerie. Derrière Artémise, une colonne à laquelle est fixée une tenture monochrome qui se déroule en plis opulents sur le fond. Au premier plan, un Amour éploré, nu, debout, nonchalament accoudé sur les genoux de la reine d'Halicarnasse, foule aux pieds la couronne inutile de Mausole et tient d'une main distraite son flambeau renversé au-dessus des pièces éparses de l'armure du roi, l'épée, le casque et le bouclier..."
Dans un inventaire des oeuvres de LE BRUN (portraits) conservé à la BNF Section des Estampes le tableau est également mentionné par JOUIN :
Conservé au château de BUSSY (hauteur 0.63, largeur 0.50) ...
"En pied, debout, les yeux levés vers le ciel, vêtue d'une robe bleue que recouvre une sorte de tunique de couleur orange doublée de vert. Mme du PLESSIS porte un diadème orné de perles et de brillants. Sa chevelure blonde dénouée se répand sur ses épaules, sur ses mains et sur l'urne funéraire qui lui sert d'appui. Les bras et le cou sont nus, les pieds chaussés de sandales. L'attitude abandonnée du personnage et l'expression des traits trahissent une profonde douleur. Des dalles couvrent le sol. Fond de draperies."